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Les femmes rebelles de Cervantès
Figures d’émancipation féminine dans l’oeuvre de Miguel de CervantèsPhilippe Gournay
L’œuvre de Cervantès révèle nombre de femmes rebelles d’exception. Par leur marginalité et opposition aux schémas sociaux traditionnels de l’Espagne misogyne du Siècle d’or, elles revendiquent leur émancipation, veulent s’affranchir du modèle phallocentrique. Sans pour autant aboutir à un féminisme affirmé et politique, ces femmes témoignent, dans l’univers fictionnel de l’écrivain castillan, d’une volonté réelle d’échapper aux règles coercitives qu’on leur impose, notamment dans le mariage et la sexualité.
Des quatre héroïnes que nous nous proposons d’étudier, la Cañizares est une sorcière comme la désigne l’Inquisition du pape Sixte IV. Mais à l’instar de certaines luttes féministes d’aujourd’hui qui trois siècles plus tard en feront l’emblème de leur cause, en s’employant d’abord à renverser le signifiant péjoratif de « sorcière », nous souhaiterions nous attarder plus longuement sur cette dernière tant elle semble exprimer et symboliser une lutte inégale mais persistante.
Les trois autres figures de femmes qui incarnent à leur manière une forme de rébellion à la domination masculine, sont bergère, nonne ou courtisane. Leur courage et leur résistance s’exercent souvent à l’insu de l’oppresseur, triomphent subtilement de leur despote, et insufflent bien pour les générations suivantes, la quête encore inaboutie de l’équité et d’une pleine reconnaissance de leur sexe. Cervantès certes ne leur réserve pas les premiers rôles, mais d’elles-mêmes celles-ci émergent du texte, surprenantes, universelles et irréductibles.